Myra Dunoyer Vahighene, la conteuse qui raconte l’Afrique

Myra Dunoyer Vahighene est une solo-entrepreneure experte en storytelling africain, conteuse panafricaine, photographe, responsable de communication pour certaines entreprises privées et centres culturels. Elle est également la fondatrice de l’entreprise culturelle “ Eleza Masolo” qui valorise les cultures et histoires d’Afrique. Son entreprise a 2 ans d’existence. 

Myra raconte que tout part du fait qu’à 18 ans, elle découvre qu’elle a les cheveux crépus. Chose étonnante qu’elle explique par le fait qu’elle passe toute son enfance à défriser les cheveux. Mais à cet âge, elle comprend que l’apparence de ses cheveux ne devrait pas forcément être lisse. 

Cette révélation, Myra l’a à Kisangani lorsqu’elle se fait bruler les cheveux lors d’une séance de défrisage. Elle en ressort avec une grosse plaie sur la tête. Éprise de douleur et de rage, elle décide de ne plus les défriser. Elle découvre ensuite que sa chevelure est en transition entre ses pousses naturelles (crépus) et celles défrisées. Elle finit par les couper afin d’entamer un nouveau départ, riche de routine capillaire. 

La révélation

Alors qu’elle fait des recherches sur les cheveux naturels des femmes africaines, elle découvre en passant que les africains sont des grands innovateurs et créateurs. Elle lit des récits incroyables sur le web, toutes ces découvertes la poussent à créer un média, sur YouTube, la chaine Eleza Masolo, sur laquelle elle publie des vidéos où elle dresse les portraits des africains les plus emblématiques. Elle en profite aussi pour faire découvrir les merveilles de l’Afrique, les réalisations que les africains ont pu inventer dans le passé et actuellement dans le but de désaliéner les africains. 

“Je me suis dit que je ne vais plus défricher mes cheveux. Mais à quoi ressemble réellement mes cheveux. Je me suis posé quelques questions un peu stupides. Comme si je ne défrise pas mes cheveux, qu’est-ce qu’il y aura ?”

Une conteuse chargée d’une mission

Myra estime que sa mission première est de rendre l’Afrique fière en second lieu contribuer à rendre les africains fiers d’eux-mêmes. Elle regrette cependant être née dans un siècle où il y a l’aliénation culturelle ainsi qu’au cours duquel les bonnes mœurs africaines ont disparu. Les cultures et traditions paraissent ringardes.” Myra se donne donc pour mission de promouvoir les cultures africaines. 

“ Je me donne pour mission de promouvoir, de valoriser les cultures africaines et de militer pour qu’elles soient connues.”

Cette mission est importante pour elle parce qu’elle estime qu’il est question de vie ou de mort. Le jour où cette conteuse de talent a su que les africains étaient des grands créateurs et inventeurs, pionniers de l’innovation, elle s’est dit que les africains ne devraient pas vivre aujourd’hui avec des complexes d’infériorité. Sa mission est donc un moyen de sauver des vies. Autant un médecin va soigner un malade, Myra essaie de ramener les africains vers leur culture, c’est pour ça qu’ elle milite, un retour vers la connaissance de qui sont réellement les africains.

Dans le cadre de son entreprise, Myra aime travailler au plus près des communautés locales africaines. Elle aime aller recueillir des informations à la source. Pour cela, elle n’hésite pas à entrer en brousse si nécessaire. 

Myra qui se spécialise de plus en plus dans les approches narratives socio culturels, s’est rendu dans le cadre d’un projet avec un partenaire,à l’est de la RDC, dans une commune rurale du nord kivu, qui s’appelle LUOTU à 25 ou 30 Km de Butembo sa ville natale. Et la-bas, les femmes qu’elles interviewaient se sont livrées à elle au sujet de la paresse de leur mari. “ Une dame, que  j’ ai interviewée, m’a raconté que son mari était un très grand soulard irresponsable et très paresseux, quoi qu’il ait tout ce qu’il faut pour travailler. Une autre femme me racontait qu’elle avait un mari alcolique qui avait vendu tous ses pagnes pour continuer à boire jusqu’à vendre le terrain familial. Je me suis rendue compte que cette commune était réputée pour avoir des hommes paresseux. Les gens me racontent des histoires, et moi, à partir de là, je crée des contes. Je peux m’inspirer de ces récits pour créer un conte par exemple celui de “l’homme soulard”. 

“Ecouter les gens raconter leur histoire, découvrir leur monde, le pourquoi ils font ce qu’ils font depuis des années me passionnent.”

Le plus gratifiant pour Myra, c’est le fait qu’elle aime autant écouter les histoires qu’ en raconter. Mais plus encore, c’est vraiment satisfaisant pour elle de voir la lueur dans les yeux des gens. Les voir émus et émerveillés, reconnaissant d’avoir appris quelque chose de nouveau et les entendre dire: “je suis fière d’être africain”. 

Entreprendre Eleza Masolo 

Eleza Masolo, Eleza mot swahili qui signifie “raconte” en français et Masolo mot lingala qui signifie “des histoires”, veut donc dire simplement raconter des histoires, est devenue une entreprise grâce à la deuxième édition du festival Y’Afrika. À la base, lorsque Myra a créé la chaîne Youtube, elle ne pouvait pas s’imaginer qu’un jour ce projet deviendrait une entreprise qui s’est trouvée une place dans la sphère africaine. Au départ son seul désir était de produire des vidéos pour informer et sensibiliser, dit-elle. Mais après avoir célébré une année de sa chaîne Eleza Masolo en Juin 2021, Elle a eu comme la révélation de transformer son projet en entreprise suite à un accueil positif  de la part du public. 

Certains africains n’en ont rien à foutre des cultures africaines et le secteur culturel souffre de plusieurs  manques de soutien. Il n’y a pas assez de financement, c’est le plus difficile dans son métier. “Lorsque j’ai organisé mon festival “Y’Afrika”, j’ai galéré pour trouver des partenariats. Je devais expliquer plusieurs fois aux potentiels partenaires le pourquoi de mon action. Je n’étais pas comprise. C’était difficile d’être accompagné,” explique cette femme aux multiples casquettes. 

Notre solo-entrepreneure du jour, s’est également livrée exclusivement sur un territoire glissant “ sa vie sentimentale”. Elle affirme qu’une entrepreneure a aussi le temps de construire sa vie amoureuse. Elle est actuellement en train de construire une relation qui chemine sur la bonne voie.  Elle dit avoir beaucoup d’amour à donner et a  toujours gardé une place pour l’amour dans ses pensées. “ J’estime que de la même manière qu’on pense business, planification, on devrait aussi penser à temps plein à l’amour. Parce que c’est ça la vie. Si on n’est pas bien dans la relation, on ne sera pas bien dans son travail. Plusieurs entrepreneurs font face à un déséquilibre dans ce domaine de leur vie. Je suis en train de construire une relation et je pense être sur la bonne voie. Je me vois me mettre en couple dans une relation sérieuse. Et, oui, j’envisage le mariage. Je suis prête.”a-t-elle conclu. 

Un héritage à laisser 

La conteuse panafricaine, Myra Dunoyer, voudrait laisser comme héritage son militantisme et sa fierté pour ses origines. Elle ajoute : “Je veux qu’on reconnaisse en moi quelqu’un de tenace qui s’est battu, cette chercheuse en histoire africaine qui a toujours milité. La conteuse qui a fait voyager les gens dans des univers différents à travers l’Afrique.”

Aujourd’hui le rêve d’entrepreneure de Myra est de mettre en place des idées de films d’animation autour des contes et légendes d’Afrique pour créer du contenu animatique. Elle voudrait que son entreprise devienne le Disney de l’Afrique.  

Do Nsoseme